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EXTENSIONS: Articles de presse

BANDCAMP DAILY

For Senegalese rapper Gaston Bandimic, a member of the eclectic jazz-rap quartet Sélébéyone, the decision to rap in his native tongue of Wolof was a conscious one. Though none of his bandmates speak the language, for Bandimic, it was a way to affirm elements of his culture that predate the francophone colonization of his homeland. East Coast MC HPrizm, the group’s other rapper, understood the decision. Bandimic and HPrizm practice Sufism, and the way their faith intersects with their creative work provides them with a common ground. The Arabic terms both rappers weave into their lyrics transcend language barriers on both the group’s 2016 self-titled debut as well as the recent Xaybu: The Unseen.

“It must be noted that when we speak of Sufism, we are talking about something metaphysical,” Bandimic says. “And the fact that Priest [HPrizm] feels something from my texts is not an accident. We speak the same language. No matter what the path is, the destination is the same.”

Sélébéyone formed in 2015, with Bandimic and HPrizm joined by saxophonists and composers Steve Lehman and Maciek Lasserre. It was decided early on that Lasserre and Lehman would share production duties, while Bandimic and HPrizm—a decorated producer in his own right—focused on the vocals. That year, with the help of a French-American Jazz Exchange grant, the quartet began workshopping material in Paris, followed by a weeklong residency at Seeds in Brooklyn. After the residency, the group booked studio time to record their debut, which was engineered by Just Blaze’s right-hand-man Andrew Wright and released to critical acclaim.

Though three of the group’s four members are Sufi—Lehman is the exception—Lasserre shares the core concept that binds them together. “Each of us is connected by a primary reason,” he says, “to be and to exist through the musical prism.” That idea is implicit in the group’s name: Sélébéyone translates to “intersection” in Wolof. “From my perspective, the musical concept comes before the human,” Lasserre says. “Then the identities are told and revealed naturally within this framework.”

On both albums, Sélébéyone explore multi-faceted and multilingual electronic jazz that feels like the realization of a future where boundaries—both musical and geographical—cease to have meaning. While the rest of the world is siloed by the algorithm and divided along tribalist and nationalist lines, Sélébéyone exists as a testament to the universal language of music. HPrizm originally thought of the group as a futurist Weather Report, the 1970s jazz fusion group whose members spanned several countries. Eventually, HPrizm learned that Bandimic was influenced by Redman and Pharoahe Monch, two of the very few American rappers who have toured in Senegal. “Just seeing how hip-hop unfolded like a kaleidoscope throughout the world, how it resonates,” HPrizm says. “When I met [Bandimic], he was like a b-boy. I said, ‘Damn, you remind me of so many people I know in the States.’ And he was like, ‘You remind me of a lot of people I know in Senegal!’”

Those commonalities take shape on “Zeraora,” a song that chimes and clangs like an alarm—a wake-up call. The rappers trade verses that speak to a singular struggle despite the fact that they live oceans apart. HPrizm’s vision of a rigged American system—“The game is haunted/ Everything is tilted/…live from a country I built that never loved us”—has a Senegalian mirror in Bandimic’s admonishment of the financial hold on his country. “The flipside of capitalism is colonialism,” HPrizm says. “He understands that just as I understand that. We’ve had a large part of our legacy and history subjugated by that.”

The music on Xaybu: The Unseen harkens back to the idea of, “Many paths, one destination.” If each track were a path, then some are chaotic and rough-hewn, while others are direct and clean. Some inspire communal movement; others require solitude. The songs are intentionally abstract with unconventional time signatures intended to challenge the vocalists. The group’s exploratory nature yielded hidden connections. As the record was being made, both rappers unconsciously referred to the concept of Al-Ghaib, which Lasserre describes as “the hidden part of existence.” They asked Bandimic to translate it to Wolof, which became Xaybu. “The role of abstraction in our lives is immense, and the place we give it is decisive,” Lassere says. “In my view, musical language is a science that essentially belongs to this field.”

The four members spent long days and months together, building relationships and pushing through awkward moments of translation to arrive at their sound, but it was never less than natural; start with the music, allow the identity to develop from that foundation. Or, as HPrizm puts it, “Once you have an agenda, it becomes corny.”

CITIZEN JAZZ

BY NICOLAS FLOURY 2017

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Qu’est-ce au fond qu’être un musicien ? C’est cette question qui nous a conduit jusqu’à Maciek Lasserre. Maciek est un saxophoniste français qui évolue sur la scène jazz parisienne et internationale. Qui d’autre que l’artiste de jazz pouvait en effet nous mettre sur la voie ? L’enjeu de notre rencontre était donc de nous laisser enseigner par un musicien à la créativité singulière. Qu’il s’agisse du processus de création à proprement parler, des influences, de la question de la transmission et de la réception, mais aussi de l’œuvre, de l’instrument ou du corps, Maciek n’aura eu de cesse de nous éclairer en évoquant chaque fois le cœur de sa pratique artistique.
 
Le processus de création

Maciek Lasserre — Pour moi, une idée en musique vient suite à une mise en mouvement, à une volonté d’exploration. Je rencontre les idées aux cours de mes diverses explorations et certaines entrent en résonance significative. Pour moi, pratiquer c’est composer et composer c’est pratiquer. Et cette « pratique » est liée à tous les autres mouvements (instrumentaux, physiques, intellectuels, spirituels, émotionnels, culturels, etc.) qui constituent mon existence.
N. F. — Y-a-t-il pour toi une préméditation ou trouves-tu l’idée malgré toi, dans la surprise, au sein de ta praxis elle-même ?
M. L. — Le rapport au temps dans ma pratique de composition est multiple. Il est parfois très instantané et parfois très large, prémédité. Il s’agit pour moi plutôt de rencontre générée par le mouvement, le déplacement et l’exploration…
N. F. — As-tu une sorte de concept que tu cherches ensuite à exprimer en musique et que tu aurais pu choisir d’exprimer autrement ou ton idée est-elle immanente chaque fois, lorsqu’elle survient, à la musique ?
M. L. — Dans le projet « Eskisse », j’utilise par exemple à chaque niveau l’idée de symétrie qui évidemment est transposable dans tous les champs artistiques et il me semble dans tous les champs de la pensée.
N. F. — Tu ne souscris donc pas à la thèse qui veut qu’une idée ne puisse s’exprimer que dans son champ de naissance propre ?
M. L. — Je pense qu’il existe des objets sonores « purs » qui ne sont en relation avec rien d’autre que leur nature propre. Dès l’instant où ils sont observés,     « rencontrés » et mis en mouvement par le musicien ou l’auditeur, ces objets deviennent alors média, force et langage. On peut chercher à décrire le même cosmos avec la musique, les mots, la peinture, etc. Et ce même cosmos décrit et exploré par la musique ou la peinture s’enrichit, se nuance alors dans la sensation, la perception et pourquoi pas la connaissance qu’on en a. Une idée en peinture pourrait tout à fait s’exprimer dans le champ de la musique. Là où la musique apporte une résonance, la peinture apporte une lumière, etc.   A chaque média sa richesse, sa singularité…
N. F. — Une idée musicale, une idée qui ne peut s’exprimer, se montrer, nulle part ailleurs qu’en musique, cela n’existe donc pas vraiment pour toi ?
M. L. — Je ne crois pas. Par contre la « résonance » d’une idée générée par la musique ne peut pas être transposée à l’identique dans un autre domaine. La musique a pour moi son effet propre.
N. F. — Quelle est la place du rêve dans ta vie d’artiste ? Te sers-tu de tes rêves dans tes compositions ?
M. L. — Je pratique beaucoup intérieurement. Dans des périodes de travail intense il m’arrive en effet de me rêver précisément jouant avec des sensations et une musique très « réelle ». Je n’utilise pas ces rêves pour composer mais je sens que je les « archive » au même titre que des expériences « réelles ».
N. F. — La musique est-elle là pour toi pour transmettre un message, pour exprimer des idées ?
M. L. — Elle le peut… Mais je pense que sa fonction est unique : être un vecteur d’énergie qui dépasse celui de la pensée et de l’idée. Ça ne l’empêche pas d’être éventuellement conçue et observée avec du sens, des idées, des messages, etc.
N. F. — Ce que sait dire la musique ne saurait se dire avec des mots ?
M. L. — Je pense en effet que cette fonction, cette dimension primordiale qu’implique la musique lui appartient. Dans un second temps, on peut tout à fait observer ou créer des parallèles de sujets développés en musique, en peinture, en pensée, etc.
N. F. — Souscris-tu à la sentence qui estime que la musique n’est autre que le langage des affects ?
M. L. — Je ne pense pas que la musique se limite aux affects. Il semblerait qu’en musique la sensation et la signification soient confondues. Il s’agit d’une forme de déplacement différent.
N. F. — Suis-tu par exemple Alain Badiou lorsqu’il dit parfois que la musique e terme d’affects ce n’est que joie ou tristesse ?
M. L. — Non là je décroche de Badiou. J’ai parfois du mal à discerner dans ce monde la frontière entre joie et tristesse. Ces deux idées ne sont pas des moteurs en musicologie pour moi. Par exemple, lorsque j’enseigne, je n’utilise pas cette idée reçue qu’une tonalité mineure serait « triste » et un accord majeur serait « joyeux ». Les tonalités majeures ou mineures ne sont que des contenants dans lesquels on met le contenu émotionnel que l’on souhaite. Je préfère parler de structure.
N. F. — Comment s’impose à toi une idée pour un nouveau travail ?
M. L. — Un nouveau travail se fait pour moi sur la base d’une « rencontre » avec une idée à formaliser et à travailler plus intensément. Par exemple dans le texte « Eskisse – descriptif structurel », je fais un parallèle entre le rapport au plan pictural chez Malevitch et le « centre » compositionnel dans le morceau « Eskisse ».
N. F. — Quelle est la part du visuel dans l’affaire ?
M. L. — Visuellement j’ai toutes sortes de visions qui habitent mon esprit. Parfois précises, parfois opaques mais très puissantes, parfois en mouvements, parfois figées… Il y a aussi la synesthésie qui fait voir à certains musiciens des couleurs en relation aux sons. Ce n’est pas mon cas. Olivier Messiaen est allé loin dans ce sens, Kandinsky aussi… Voir et entendre m’apparaît très intimement lié… En ce moment j’ai des réflexions sur l’aspect vibratoire des choses. Il me semble que par exemple, la couleur, le mouvement, la pensée et évidement les sons ont des qualités vibratoires qui se confondent souvent…
 
Réception, transmission
N. F. — Si pour toi « composer c’est pratiquer et pratiquer c’est composer » cela pose la question de l’interprétation. Quelle place a-t-elle dans ton travail ?
M. L. — J’ai l’impression de ne pas avoir beaucoup réfléchi à cette question dans le passé. Spontanément, je te dirais que lorsque j’interprète une autre musique que la mienne je suis dans la préoccupation de mettre deux aspects importants en phase. D’une part, la nature la plus « pure » possible de la musique à interpréter (ses idiomes, sa qualité, sa fonction, son esthétisme, etc.) à mettre en relation avec, d’autre part, mes aptitudes du moment (techniques, physiques, mentales, etc.). Et du coup, l’objectif est, il me semble, de développer la relation la plus « centrée » possible entre moi et cette musique. Je me rends compte en écrivant qu’en recherchant ces éléments les plus « purs » ou disons « universels » dans la musique de l’autre, c’est exactement la même chose que je recherche dans ma musique. Je recherche donc ma propre musique dans celle de l’autre. Et d’ailleurs, lorsque je travaille et interprète ma musique, ce principe d’être moi, le plus centré possible en face de ma musique est ma façon de bien interpréter. Une chose importante aussi, pour en revenir à cet aspect « vibratoire », il y a une joie importante à se sentir dans le juste. On ressent parfois une résonance entre soi et le compositeur, et/ou le public, qui nous donne l’impression d’être dans le juste, d’interpréter juste… C’est difficilement explicable.
N. F. — Cherches-tu avec tes compositions à véhiculer un sens toujours déterminé en amont ?
M. L. — Je pense qu’il y a plusieurs niveaux, plusieurs qualités de lecture et d’écoute dans ma musique et dans celles de beaucoup d’autres, avec des sens véritables, vérifiables, techniques, signifiants, sensibles, etc. et puis il y a celui qui dépasse notre capacité à signifier ou même à ressentir, celui qu’on explore sans cesse, celui vers qui, il me semble, on est tous, les artistes et les autres, instinctivement mis en mouvement…
N. F. — Qu’elle est ta conception de l’inspiration, ton rapport au divin ?
M. L. — J’y reviendrai, mais je pratique l’Islam. Le soufisme en est la voie et les voies internes. Tout devient alors guide et inspiration. Deux citations qui me guident : « Des formes universelles conçues en tant que signe et image du dynamisme universel… » (Kazimir Malevitch) et « Ce que la sagesse requiert est ce qui agit dans le cosmos… » (Ibn Arabî)
N. F. — Malevitch et Ibn Arabî, c’est là un nouage singulier…
M. L. — Avant de continuer je voudrais préciser que toutes ces réponses sont les réponses d’un moment. Elles pourraient complètement varier si je répondais une heure plus tôt ou un mois plus tôt.
N. F. — Très bien. Poursuivons en abordant un tout autre domaine… Je voulais en effet te demander quelle est la place des mathématiques dans ton œuvre.
M. L. — Les « mathématiques » sont pour moi l’outil qui me permet de modéliser la résonance/énonciation rencontrée et de développer plus de vitesse et de puissance dans la réalisation, la pratique, l’improvisation, la compo, la transmission, etc. Il s’agit évidemment d’un outil parmi beaucoup d’autres. Les mathématiques ont aussi dans mon travail des qualités esthétiques et une dimension poétique. Mais je veux aussi rappeler que les mathématiques sont complètement présentes dans les traditions musicales occidentales, à travers le solfège, l’harmonie… et dans bien d’autres traditions musicales.
N. F. — Tout un pan de la musique contemporaine est étroitement lié aux mathématiques. Comment tu te situes par rapport à cette musique-là ?
M. L. — Je suis très intéressé par la musique contemporaine. J’aime Schönberg, Messiaen, Ligeti, Per Nørgård parmi beaucoup d’autres. La musique contemporaine s’inscrit dans la continuité d’une tradition d’écriture européenne. Le jazz a toujours été influencé par la musique écrite européenne. Steve Coleman, Steve Lehman, Tyshawn Sorey, Vijay Iyer et beaucoup d’autres la font aujourd’hui vivre à travers le jazz. Elle est aussi très présente dans notre quotidien notamment dans le Sound design, le son à l’image, les musiques de film, pub, etc. Elle est à mon avis beaucoup moins élitiste que ce qu’on pourrait croire.
N. F. — Tu évoques Schönberg. Est-ce qu’il t’influence dans ton travail ?
M. L. — Il y a dans ma musique des suites, des séries, des frises. Ce sont simplement des outils, tel que l’alphabet, la grammaire, etc. On utilise depuis très longtemps en musique ce type d’outils, par exemple le tempérament, les gammes, les modes, les métriques, le solfège, etc. Schöenberg a été très créatif en utilisant des outils radicalement différents de ceux de ses pères. Il n’y a pas pour moi de hasard de sens ou signification dans son travail, il a une pratique très puissante en rupture. Le sens y est très fort.
 
N. F. — Très bien. Quittons le conceptuel pour le sensible. Quelle est la place de l’émotion dans ta musique ?
M. L. — C’est une question plus difficile. Je n’ai jamais orienté mon travail et ma réflexion vers l’émotion. Il me semble qu’elle est présente partout, tout le temps. Je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse d’un outil ou d’une aptitude. La sensibilité oui. Développer sa capacité à percevoir et ressentir est très intéressant pour un musicien. Je pense que lorsque je joue ou écoute de la musique, les émotions qui circulent chez moi sont plutôt d’origine hors-musique.
N. F. — Pratiquer c’est pour toi autant jouer, qu’écouter, ce qui laisse entendre que le spectateur-auditeur de musique est actif dans l’affaire ?
M. L. — Oui bien sûr, les perceptions d’un public sont autant de dimensions etd’éclairages nouveaux sur l’objet-musique partagé.
N. F. — Cherches-tu dans ton approche à provoquer quelque chose de précis chez ’auditeur ?
M. L. — Comme je l’ai évoqué précédemment l’auditeur participe à ma démarche, quelle que soit sa réaction. Il me permet d’élargir la vision que j’ai de ma propre musique. Il me permet de mieux expérimenter, d’explorer plus loin avec de nouveaux paramètres, avec des nouvelles lumières. Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises réceptions dans la mesure où elles sont réelles/vraies.
N. F. — Tu enseignes, et cela semble avoir une place importante dans ta manière même de faire de la musique. Comment conçois-tu cette tâche ?
M. L. — La musique peut se pratiquer ensemble. En général, je partage avec l’étudiant ou le groupe d’étudiants mes préoccupations du moment en face de leurs personnalités, leurs niveaux, leurs attentes. Parfois mes préoccupations sont avancées et parfois simples. Donc oui quand ce n’est pas une activité exclusive, je trouve l’enseignement très sain et enrichissant. C’est un autre temps privilégié pour ma musique.
 
Influences et formation
N. F. — Pourquoi ce choix de vouer ta vie à faire de la musique ?
N. F. — Te souviens-tu d’être « entré en musique » un beau jour ?
M. L. — La musique a été pour moi une ouverture lumineuse à un moment de ma vie où j’étais en échec scolaire, familial, social, etc.
M. L. — Il y a deux choses : moi qui « entre » soudainement en musique avec (auto)détermination, conviction, et une forme de violence (je m’en souviens assez précisément) et la musique qui « entre » lentement en moi depuis toujours et jusqu’à aujourd’hui…
N. F. — Qui sont tes maîtres et pourquoi eux ? Par exemple la rencontre aveccertains musiciens a-t-elle fait césure ?
M. L. — J’ai des maîtres « fantômes » et des maîtres musiciens précis. Quand je dis « fantômes » il s’agit de maîtres « hors musique » parfois abstraits, de rencontres, d’intuitions, d’expériences, d’observations, etc. Ils sont très importants pour moi et l’influence de ces différents « guides » sur ma musique est immense. Pour les maîtres musiciens (vivants et rencontrés), il y en a quelques-uns. Il y a évidemment Steve Coleman. Il y a eu un stage à Montpellier en 2001 qui a laissé des traces importantes chez moi (et un disque « resistance is futile »). Il y a en tout cas un avant et après pour ce qui est de la compréhension de sa musique et de la musique en général. Il y a également Steve Lehman avec qui j’ai étudié à New-York en 2006. Il participe à mon premier album « Eskisse » et on vient de sortir un disque ensemble « Steve Lehman & Sélébéyone ». Il y a aussi Magic Malik qui a participé à mon deuxième album « Forces », je joue aujourd’hui dans quelques-uns de ses nouveaux projets. Pour la question de la formation j’ai évidemment une affection particulière pour l’autodidactisme. Mon parcours est assez multiple. J’ai été longtemps autodidacte et j’ai ensuite pendant quelques années cherché à obtenir le plus d’informations possibles auprès de professeurs.
 
Le corps, l’instrument
N. F. — Qu’est-ce qui fait selon toi la spécificité du sax soprano par rapport à tous les autres instruments ?
M. L. — Son ambiguïté et sa résistance sont pour moi deux grandes qualités. Son ambiguïté offre des possibilités d’adaptation et d’hybridation. Il ne s’agit pas d’un instrument « typé » stylistiquement. Et il reste à mon avis aujourd’hui beaucoup à explorer. Sa résistance (il s’agit d’un instrument peu homogène et dur à jouer) me pousse à me rencontrer et à développer une singularité dans mon approche de la musique.
N. F. — Peux-tu nous dire quelque chose de la « jouissance » qui t’est propre en tant que sujet musicien.
M. L. — Je remplacerais l’idée de jouissance par les ideées de grâce et de vérité. Les instants de grâce pure sont les instants pour lesquels je travaille, je me prépare. Tout le monde sait qu’ils sont vrais. Il n’est pas nécessaire d’en parler pour en être sûr. Je ne crois pas que cette vérité soit exclusive à la musique.
N. F. — Que t’a appris ta pratique sur ton propre corps ?
M. L. — L’instrument est un guide pour le corps. La nécessité d’avoir un corps aligné à l’instrument m’a donc poussé à mieux me connaitre. Je me suis tourné depuis plusieurs années vers des arts martiaux et des exercices traditionnels qui me permettent de conscientiser l’utilisation de mon corps. Notamment la relation interne/externe. Lorsque je réussis à maitriser et à ressentir cette relation, c’est physiquement et musicalement très puissant !!! La force n’est pas localisée en un point précis mais elle est très globale.
 
L’œuvre
N. F. — Quelle est ta composition préférée ?
M. L. — Je crois qu’il s’agit du morceau « Asr » dans « Eskisse ». Techniquement il s’agit d’un jeu de permutations et de polyrythmie avec des éléments harmo- mélodiques qui font référence à « Giant step » de John Coltrane. Le résultat me plait particulièrement, il n’y a pas de solo, pas d’ego. L’élément pur semble être respecté… Je l’ai appelé « Asr » qui signifie « temps » en arabe et qui est une sourate courte très forte.
N. F. — On ne peut qu’être interpelé par les titres de tes compositions.
M. L. — Oui les titres sont pour moi une extension à la musique elle-même. Par exemple le morceau « Origines ». Au commencement de ma démarche de compositeur, la fonction d’un titre était pour moi et entre autre, celle d’un corps, d’une enveloppe dans laquelle une musique pouvait vivre. Les noms de personnes étaient alors parfaitement adéquats (Aya, Hanna, Adama, etc.). Les personnes se sont muées en lieux et espaces, le morceau « Origines » s’appelait à la base « Rachidia III » qui est un quartier d’une ville marocaine, puis en concepts et visions (Uwertura, Eskisse, Infini, Forces, etc.). Mes titres comme ma musique sont très modulaires. Un morceau peut prendre plusieurs formes et être incarné par différents noms.
N. F. — Peux-tu nous dire un mot de ta collaboration avec Steve Lehman sur l’album « Sélébéyone » qui vient de sortir ?
M. L. — Ce projet part de discussions et d’intérêts partagés sur la composition, le jazz aujourd’hui, l’électronique, la musique contemporaine, le rap, etc. On a réfléchi et présenté ce projet au FAJE (French American Jazz Exchange) qui nous a donné les moyens de réaliser des résidences, concerts et enregistrements. L’idée était de générer une nouvelle musique qui intègrerait les idiomes propres au rap, au jazz et à l’écriture contemporaine dans un même ensemble. J’y ai composé quatre morceaux sur neuf. Il y a une connivence entre son écriture et la mienne tout en étant très différentes l’une de l’autre. J’ai une écriture plus modulaire là où celle où celle de Steve a une « structuralité » beaucoup plus intense que la mienne.
 
N. F. — Tu évoques la musique électronique. Que permet le studio que ne permettrait pas le live et inversement ?
M. L. — Il est évident que les rapports au temps et à l’espace sont très différents en studio et en concert. Je n’ai pas de préférence particulière, j’y vois simplement des opportunités différentes. Au studio et au concert j’ajouterais aussi le temps singulier de l’écriture, de la composition. L’électronique est un instrument nouveau qui ajoute des paramètres à la composition, au live et au studio. Tous ces éléments offrent à la musique des possibilités infinies.
 
Pour conclure
N. F. — Pour conclure, peux-tu nous parler de ton travail actuel ?
M. L. — Oui, je suis en train d’écrire le nouveau répertoire du MCK Projekt, je travaille également la musique de Sélébéyone et de Magic Malik en vue de prochains concerts et je prépare par ailleurs un projet solo autour de la notion d’intervalle.
L’idée fondamentale dans ma musique est probablement très unifiée mais les voies pour y arriver sont multiples.
Entretien par Nicolas Floury
 

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VILLAGE VOICE

BY MICHAEL J. AGOVINO 2016

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EXTENSIONS: Articles de presse

Ten years ago, the French saxophonist Maciek Lasserre, who travels and plays extensively in Senegal, Burkina Faso, Mali, Tunisia, and Morocco, took some classes at Brooklyn’s School
for Improvisational Music with the saxophonist and composer Steve Lehman. Via email from Paris, Lasserre remembers Lehman as a “very generous and clear” teacher and a “high-quality interlocutor on creation and music aesthetic.” The professor was likewise taken with Lasserre’s interest in Senegal’s hip-hop scene. It was the beginning of a dialog between three cities — New York, Paris, and Dakar —
and led to Lehman’s striking new album, Sélébéyone, out this month on the visionary New York label Pi Recordings.

The collaboration began when Lehman guested on Lasserre’s 2011 debut album, Eskisse, which featured Senegalese hip-hop duo Da Brains. “I thought it was a
really fresh, original direction,” Lehman tells the Voice from Los Angeles, where he’s just joined the faculty at CalArts. “I eventually said, ‘Man, I’d love to work with you in this specific area. I don’t want to steal your thunder,’ but [Lasserre] was like ‘Let’s go, let’s see what we get into.’ ”

The resulting work — nine pieces, five composed by Lehman, four by Lasserre — is a conversation between techniques: Lehman’s lacerating alto horn vs. Lasserre’s soprano; volleying verses in English and Wolof, a language of Senegal; sampling, drum programming, and electronic effects buttressed by the first-rate rhythm section of Damion Reid (drums), Carlos Homs (piano), and downtown jazz vet Drew Gress (bass). The tidy 41 minutes and change teems with aural layers, an experiment that, despite Lehman’s academic credentials, doesn’t feel inaccessible. It’s tense, too, as the rhythms remain irregular, a constant in Lehman’s music. His tone, way up high in altissimo so that it’s hard sometimes to distinguish from Lasserre’s soprano — as on the track “Dualism” — feels nervy and allergic to saccharin.

And it’s very much a hip-hop record. Lasserre brought in Dakar MC Gaston Bandimic, who raps in Wolof. “Gaston is a brilliant soul and prodigious lyricist,” Lasserre says. “We share a lot. I knew he would
perfectly fit in this project.” Lehman also added his own MC, HPrizm (a/k/a High Priest), a founder of the thought-provoking New York hip-hop collective Antipop Consortium; the two have known each other for ten years but never recorded together.

“Things came together organically with Steve and I,” says HPrizm, who has also collaborated with other adventurous jazz musicians like Wadada Leo Smith, Henry Grimes, Vijay Iyer, and Jamaaladeen Tacuma. “By design, this particular project allowed for the time and focus to
a set of compositions in both a live and studio context that I’ve never had.”

Sélébéyone — “intersection” in Wolof — was mixed by the noted engineer Andrew Wright, who has worked with Kendrick Lamar, Just Blaze, and Drake, and has known Lehman since he was six years
old. “I just kind of trusted his instincts,” Lehman says of his childhood friend. “He made a lot of the decisions that kept it together,” like choosing what drum machine to use under HPrizm’s and Bandimic’s lyrics in the opening track, “Laamb.” “He was like, ‘I think you want 808 sub bass on here,’ something I never would have thought of.”

A look at the 38-year-old Lehman’s
career doesn’t immediately reveal hip-hop predilections: His academic CV is as vast as his discography, and he’s studied with the likes of Jackie McLean, Anthony Braxton (at Wesleyan, where he earned a master’s in composition), the MacArthur Fellowship–winning George Lewis, and pioneering French spectral composer Tristan Murail (the latter two at Columbia, where Lehman received a Ph.D.). But, Lehman says, “just growing up in New York and
[on] the East Coast in the Eighties and Nineties, it would be unusual not to have some connection to hip-hop.”

It doesn’t surprise his mentors. Lewis says that his former student — whose dissertation at Columbia was entitled “Liminality as a Framework for Composition: Rhythmic Thresholds, Spectral Harmonies and Afrological Improvisation” — was “a very thorough person who always brought new ideas to the table.” So, he thinks a hip-hop album fits perfectly with Lehman’s musical curiosity. “Based on what I know about Steve, I don’t see any particular anomaly there,” Lewis says. “We don’t discipline our creativity according to genre anymore. Like Muhammad Ali said, we’re free to be who we want.”

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